Le droit de visite et d’hébergement face au Covid-19

Le droit de visite et d’hébergement face au Covid-19

Face à une situation de crise, comme celle que nous sommes entrain de vivre, le gouvernement doit adopter en urgence des mesures de crise dites exceptionnelles.

Si beaucoup de canevas ont été brisés afin de maintenir un semblant d’activité pendant le confinement et après le confinement (aide aux entreprises, chômage partiel), qu’en est-il du maintien de l’exercice en conjoint de l’autorité parentale, et par la même de l’exercice des droits de visite et d’hébergement ou du maintien de la résidence alternée ?

Par décret du 16 mars 2020, puis par celui du 23 mars 2020, les déplacements sont par principe interdits, mais ce principe souffre (heureusement) d’exceptions et certains déplacements sont autorisés à titre exceptionnel et dérogatoire dont : « les déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance aux personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants ».

Ce droit de transférer temporairement la résidence des enfants est-il plus « fort » que la crise sanitaire que nous traversons pour être maintenu à titre dérogatoire (I) ou au contraire doit-il être appliqué uniquement à titre exceptionnel en laissant les parents décider, eux-mêmes, de ce qu’il convient de faire en pareilles circonstances (II) ?

I.- A titre dérogatoire : un droit maintenu malgré la crise sanitaire …

En cas de séparation des parents et de maintien de l’autorité parentale conjointe, les enfants doivent maintenir des liens avec chacun de leur parent. Soit les parents se sont convenus sur les modalités d’exercice de leur droit en fixant un droit de visite et d’hébergement adapté à l’intérêt de leur enfant (homologué ou pas par un Juge), soit un Juge est intervenu pour fixer ce droit en cas de désaccord.

En tout état de cause, hormis les cas de désaccords persistants non tranchés avant la période de confinement, les parents sont soumis soit à leurs propres règles soit à l’exécution d’un jugement fixant des modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement ou homologuant leur accord.

La crise sanitaire nous oblige à ne pas nous déplacer pour éviter la propagation du virus qui, au regard des premières mesures prises par le gouvernement (fermeture des écoles), se répand beaucoup plus vite par les enfants. En ordonnant la fermeture des écoles, les enfants ont donc été confinés les premiers dans leur foyer familial.

Pourtant, pour beaucoup d’entre eux, ils sont à ce jour, (hormis les personnes travaillant encore), les seuls à passer d’un « camp de confinement » à un autre, car nous avons l’obligation de choisir un seul domicile pour toute la période de confinement ;  le gouvernement n’ayant pas prévu la suspension des déplacements des enfants afin de maintenir l’exercice du droit de visite et d’hébergement.

Nous pouvons imaginer que les transferts de résidence en période de confinement n’ont pas été suspendus pour de multiples raisons, mais cela reste tout de même au détriment de la politique nationale visant à mettre tout en place pour éviter la diffusion du virus.

Il semble donc exister une contradiction, car les premiers confinés sont en réalité les derniers à l’être réellement.

Cette contradiction est telle que certains s’interrogent même sur l’interprétation littérale du texte visant à aboutir à l’inverse de ce que le texte semble prévoir. Ainsi, la notion « de garde d’enfant » remplacée depuis des années par la notion de « résidence habituelle » et de « droit de visite et d’hébergement », devrait être comprise au sens strict de faire garder les enfants par un tiers ? Or, qui pourrait garder et faire garder nos enfants en cette période hormis le personnel de santé ?

En l’état des informations connues à ce jour, le transfert temporaire des résidences des enfants n’a effectivement pas été suspendu par le gouvernement, laissant donc aux parents, conseillés ou pas, le soin d’apprécier l’opportunité de maintenir ces transferts.

II.- A titre exceptionnel : un droit dont l’exercice est laissé à l’appréciation des parents

Toute décision de justice doit trouver à s’appliquer et la crise sanitaire n’a pas eu raison de ce droit puisque le maintien a été prévu à titre dérogatoire. Dés lors, en cas de non-représentation de(s) enfant(s), le parent s’y refusant pourrait être inquiété pénalement en application des dispositions de l’article 227-5 du Code pénal disposant que : « Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende. »

Dès lors, il existe trois profils de parents :

– 1- ceux qui modulent et composent au regard de la situation (l’idéal) ;
– 2- ceux qui brandissent fermement les consignes du gouvernement à savoir le maintien du droit de visite et d’hébergement et de la résidence alternée ;
– 3- ceux qui s’opposent à l’exercice du droit de visite et de la résidence alternée pour des raisons très précises.

Si les parents s’entendent plutôt bien (dans la majorité des cas) alors ils arrivent à composer et ils ont, pour la plupart, attendu la fin de la période d’incubation de 14 jours avant de présenter leur(s) enfant(s) à l’autre parent. D’autres ont fait le choix de reporter l’exercice du droit de l’autre parent pour qu’il soit rattrapé à l’issue du confinement. Dans ce cas, il y a lieu d’attirer l’attention sur le fait que les efforts sont véritablement partagés car si l’un est privé de son/ses enfants pendant cette période, l’autre parent ne doit pas être considéré comme « en vacances » assigné à domicile. Il aura dû s’occuper au cours de la période de confinement, seul ou avec sa nouvelle cellule familiale, de la scolarité à distance de(s) l’enfant(s) tout en télétravaillant, et ce sans avoir le droit de sortir. A contrario à l’issu du confinement, le parent, qui aura été « privé » de son enfant, aura alors le plaisir de passer un temps de bien meilleure qualité avec lui/eux et il en profitera tout autant, voire plus encore…

En cas de désaccord, la question à se poser est la suivante :

Doit-on privilégier la protection sanitaire de sa cellule familiale ou bien sa propre protection juridique en refusant d’exécuter, volontairement, une décision de justice ?

En pratique, le conseil donné aux parents est celui du maintien du droit en précisant les modalités et précautions à prendre lors de la passation (pas de transport en commun pour conduire l’enfant chez l’autre parent, s’équiper de masque et de gel hydroalcoolique…).

Pourtant, il me semble impératif de suspendre ces transferts de résidence si, dans l’un des deux foyers, il existe un risque avéré ou potentiel de transmission du virus. Il est donc impératif de délimiter et d’analyser le risque de la diffusion du virus pour être en mesure de justifier la suspension des droits de visite de l’autre parent.

Le risque peut être causé/justifié :

  • Par l’activité professionnelle de l’un des deux parents ;
  • Par la distance existante entre les domiciles des parents;
  • Par le lieu de résidence, si les parents habitent des régions différentes certaines étant plus impactées que d’autres ;
  • Par les cas de COVID-19 déclarés dans l’entourage des deux parents afin que l’entourage contaminé de l’un ne contamine pas l’entourage de l’autre parent ;
  • Par l’inaptitude avérée de l’un des parents à prévenir et à respecter les règles liées au confinement.

Il est donc important pour le parent s’opposant à l’exercice du transfert temporaire de la résidence de l’enfant de réunir les éléments de preuve et des pièces justificatives afin de justifier sa posture et d’être en mesure de la défendre cas d’action judiciaire.

En effet, le parent qui refuse de voir son enfant ne pourra pas être recherché par l’autre et la renonciation à exercer son droit ne pourra pas lui être reproché dans un tel contexte. En revanche, le parent qui refuse à l’autre de remettre leur(s) enfant(s) encourt, lui, un risque de poursuites judiciaires au plan pénal (voir supra), qui devrait être plus que modéré, en raison du principe visant à l’interdiction des déplacements et par la production d’éléments de preuve factuels établissant un risque avéré de contagion.

***

En définitive, le gouvernement a posé un principe simple : le droit peut (non doit) être maintenu à titre dérogatoire au principe visant à l’interdiction de déplacement, mais ce droit peut également, selon l’appréciation des parents commune ou unilatérale, être suspendu si les circonstances le justifient.

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