Cessions de parts sociales & droit des successions

đŸ§Ÿ Les hĂ©ritiers ne peuvent ĂȘtre assimilĂ©s Ă  des tiers

Cour de cassation, 1re chambre civile, 21 mai 2025, n° 23-10.119

Deux Ă©poux dĂ©cĂšdent, laissant pour leur succĂ©der leurs sept enfants. Des dĂ©saccords relatifs au partage des successions donnent lieu Ă  une procĂ©dure judiciaire initiĂ©e par trois d’entre eux, qui assignent leurs cohĂ©ritiers en partage.

L’un des hĂ©ritiers revendique la propriĂ©tĂ© de 33 parts sociales d’une sociĂ©tĂ© civile immobiliĂšre (SCI), prĂ©tendument cĂ©dĂ©es par son pĂšre en 1994. Il avait Ă©galement acquis, la mĂȘme annĂ©e, 990 parts sociales d’une sociĂ©tĂ© Ă  responsabilitĂ© limitĂ©e (SARL), Ă  un prix considĂ©rĂ© comme sous-Ă©valuĂ© par les autres hĂ©ritiers, ce qui fait naĂźtre un contentieux sur l’existence d’une donation dĂ©guisĂ©e.

I. La décision des juges du fond

La cour d’appel, saisie du litige, Ă©carte l’effet juridique de la cession des 33 parts de la SCI, faute pour celle-ci d’avoir Ă©tĂ© publiĂ©e conformĂ©ment aux prescriptions lĂ©gales. Elle estime en consĂ©quence que ladite cession est inopposable Ă  la succession, les parts devant ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ©es Ă  l’actif successoral.

Par ailleurs, elle ordonne le rapport Ă  la succession d’une somme de 20 171,25 €, correspondant Ă  la diffĂ©rence de valeur entre le prix d’acquisition des 990 parts sociales de la SARL et leur valeur rĂ©elle, requalifiant l’opĂ©ration en donation dĂ©guisĂ©e. Elle assigne Ă©galement des intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal Ă  compter de la date de la cession, soit 1994.

II. La censure de la Cour de cassation

Par arrĂȘt du 21 mai 2025, la premiĂšre chambre civile casse partiellement l’arrĂȘt d’appel sur les deux points suivants :

1. Inopposabilité de la cession pour défaut de publicité

La Cour de cassation rappelle que les hĂ©ritiers du cĂ©dant ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des tiers au sens de l’article 1865 du Code civil. À ce titre, ils ne peuvent se prĂ©valoir du dĂ©faut de formalitĂ© de publicitĂ© de la cession pour en contester l’opposabilitĂ©.

« Les hĂ©ritiers ne pouvant ĂȘtre assimilĂ©s Ă  des tiers, la cession de parts sociales leur est opposable, mĂȘme en l’absence de publicitĂ© rĂ©guliĂšre. »

2. Point de dĂ©part des intĂ©rĂȘts affĂ©rents au rapport

La Haute juridiction rappelle que les sommes rapportables Ă  une succession ne portent intĂ©rĂȘt qu’à compter du jour oĂč le montant du rapport est dĂ©terminĂ©, et non rĂ©troactivement Ă  la date de l’acte prĂ©sumĂ© constitutif de la donation.

« Les intĂ©rĂȘts attachĂ©s au rapport successoral sont dus Ă  compter de la date Ă  laquelle ce rapport est fixĂ©, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence constante en la matiĂšre. »

III. PortĂ©e de l’arrĂȘt

Cet arrĂȘt confirme une position jurisprudentielle constante :

  • Les cohĂ©ritiers ne peuvent ĂȘtre assimilĂ©s Ă  des tiers dans le cadre de l’analyse de l’opposabilitĂ© des actes accomplis par le de cujus.

  • Il prĂ©cise Ă©galement que le point de dĂ©part des intĂ©rĂȘts dus au titre du rapport successoral est dĂ©terminĂ© par la fixation du montant du rapport, et non par la date de la libĂ©ralitĂ© dĂ©guisĂ©e.

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